L'effondrement civisationnel
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L’effondrement civisationnel
L’idée d’un effondrement civilisationnel a émergé de manière significative après la Seconde Guerre mondiale.
Elle est devenue plus consistante, du moins sur le plan scientifique, en 1972 avec la publication de l’étude réalisée par une équipe du MIT sous la forme du livre Les limites à la croissance.
Ce livre, fondé sur des simulations informatiques et des modélisations mathématiques, démontrait que notre impact sur l’environnement ne pouvait durer indéfiniment et qu’un moment viendrait où les capacités de régénération des écosystèmes que nous exploitons seraient dépassées. Ce moment était déjà largement entamé à l’époque.
Le livre s’est vendu à plus de 12 millions d’exemplaires en trois éditions successives. Sa traduction en 37 langues témoigne de son influence et de sa portée internationales.
Ce fut un choc.
Des scientifiques se sont alors penchés sur le problème, et le sujet a fait la une des journaux pendant plusieurs mois.
Aujourd’hui, cette expression – « faire la une » – a perdu de son sens, mais à l’époque, cela signifiait que tout le monde en parlait : dans les cercles privés, au travail, dans les transports, au bistrot.
L’intérêt pour cette problématique n’a pas faibli avec le temps.
En 2015, des scientifiques australiens ont confirmé les tendances de l’étude initiale, même si de nombreuses critiques lui reprochaient son caractère trop pessimiste.
Pourtant, lorsque l’on parle d’effondrement civilisationnel, même avec des personnes habituées à analyser des systèmes complexes, on rencontre toujours la même réticence instinctive.
Refuser de voir ne protège de rien =
Permettez-moi d’exprimer mon point de vue sur cet aspect de notre réalité.
Et profitez-en bien, car ce sera la dernière fois que je m’exprime sur ce sujet.
Je sais bien que je vais disparaître un jour – autrement dit, mourir – mais vous me permettrez de ne pas mettre cette perspective sur la table chaque matin.
Les civilisations, comme les êtres vivants, comme les colonies d’abeilles, naissent, prospèrent et meurent.
Bien sûr, les humains sont assez fous pour penser que leur propre civilisation est éternelle.
Mais il est inutile de disserter sur la folie humaine, souvent dissimulée derrière des attitudes policées.
Prendre conscience de cette problématique nécessite un véritable travail.
La lecture attentive d’une des éditions de Les limites à la croissance prend plusieurs heures d’étude sérieuse. Et, en toute modestie, je dirais que cette étude du MIT passe encore à côté de nombreuses dimensions du problème.
Les systèmes complexes obéissent à des dynamiques souvent invisibles, et l’interprétation de leurs comportements apparents induit fréquemment en erreur les spécialistes. Nous sommes ici dans le monde de la simulation, et son interprétation exige une infinie prudence.
Néanmoins, une chose est certaine : la trajectoire d’effondrement est largement prévisible.
Je ne vais pas résumer en quelques pages des écrits savamment travaillés de plusieurs centaines de pages. Mais il est intéressant d’examiner les images qu’ont tenté d’employer divers penseurs pour illustrer notre destin collectif.
Pablo Servigne compare notre civilisation à une voiture lancée à pleine vitesse vers un précipice. D’autres parlent d’une barque emportée par un torrent qui ne perçoit pas la chute d’eau qui l’attend. Certains évoquent un mur contre lequel nous fonçons à grande vitesse.
Toutes ces métaphores expriment la même réalité :
- Une accélération continue des contradictions de notre civilisation
- Une perte progressive de contrôle sur les systèmes vitaux qui la soutiennent
- Une issue qui, si elle n’est pas anticipée, prendra la forme d’un cataclysme brutal
Quels sont les signes concrets de cet effondrement en cours ?
Depuis les années 1970, notre civilisation se dégrade rapidement. Voici quelques manifestations tangibles de ce processus :
- La pollution : une augmentation alarmante des niveaux de pollution de l’air, de l’eau et des sols.
- L’épuisement des sols : une baisse de la fertilité agricole compensée artificiellement par l’ajout de produits chimiques, qui eux-mêmes aggravent la situation.
- L’effritement des ressources naturelles : les mines s’épuisent, les concentrations de minerais diminuent, et l’énergie nécessaire pour extraire ces ressources devient de plus en plus élevée.
- Le déclin énergétique : une diminution constante des ressources fossiles alors même que la demande mondiale explose.
- Une gestion chaotique des déchets : la civilisation produit toujours plus de polluants sans véritable solution de gestion durable.
- L’augmentation de la population : si la croissance démographique est maîtrisée dans les pays industrialisés, elle est hors de contrôle dans de nombreux pays en développement.
- L’effondrement des services publics : éducation, santé, emploi, alimentation, sécurité… Tous ces piliers de la société se dégradent.
- Les tensions géopolitiques : l’accès aux ressources essentielles devient un enjeu stratégique majeur, avec un risque accru de conflits internationaux.
- Des choix économiques absurdes : la multiplication des gadgets technologiques inutiles (voitures électriques, drones-taxis…) détourne les efforts de véritables solutions.
- La désindustrialisation : l’abandon des secteurs de production au profit d’une économie du "conseil" et des services.
Mais le plus dangereux est l’interaction entre ces différents facteurs.
Prenons l’exemple de la pollution : Les particules fines et les produits chimiques que nous ingérons malgré nous entraînent une explosion des cancers, y compris chez des enfants.
Cette crise sanitaire survient alors que nos systèmes de santé se détériorent et que l’industrie pharmaceutique impose sa loi, priorisant le profit sur le soin.
Nous assistons à un vieillissement accéléré de notre civilisation.
Le facteur humain : le plus incontrôlable
Le pire danger ne réside pas dans la pénurie de ressources ou l’effondrement écologique, mais dans nos propres comportements collectifs.
Nous vivons sous des gouvernances qui ont abandonné toute morale, toute honnêteté et toute bienveillance.
Ce n’est pas un discours populiste du tous pourris, mais il faut bien reconnaître que l’écrasante majorité des décideurs actuels sont corrompus ou liés à des intérêts qui vont à l’encontre du bien commun.
Nous avons déjà eu des démonstrations éclatantes de la fragilité de notre système.
Souvenez-vous de l’effondrement du système bancaire mondial en 2008, déclenché par une seule décision : celle du président américain George W. Bush de ne pas sauver Lehman Brothers.
Pendant dix jours, l’ensemble du système bancaire mondial a vacillé. Nous avons frôlé un arrêt total de la civilisation moderne : plus d’achats possibles, plus d’essence, plus de paiements d’électricité ou d’eau…
En 2008, la machine était encore assez robuste pour encaisser le choc.
Aujourd’hui, en serait-il de même ?
Des événements mineurs déclenchent déjà des crises majeures :
- Une simple pénurie de papier toilette a provoqué une hystérie collective.
- Une grève des transporteurs de carburant entraîne des kilomètres de files d’attente devant les stations-service.
- Le mouvement des Gilets Jaunes, pourtant pacifique au départ, a paralysé le pays.
Qu’en sera-t-il lorsque les véritables pénuries arriveront ?
Que faire face à l’effondrement ?
L’effondrement de notre civilisation est-il une fatalité ? Peut-être pas. Mais le nier, refuser de s’y préparer, revient à en accélérer la survenue et à en aggraver les conséquences.
L’histoire nous montre que toutes les grandes civilisations finissent par s’effondrer. Mais après chaque effondrement, quelque chose de nouveau naît.
La question n’est donc pas Comment éviter l’effondrement ?, mais Que voulons-nous bâtir après ?.
Et cette question, nous devons y répondre aujourd’hui, car demain, il sera peut-être trop tard.